AU NOM DES MIENS
Mes parents étaient des Paysans
Mes parents étaient des Paysans et des enfants de Paysans
J’ai 7 ans, je rentre au Cours préparatoire à l’école de Marnac.
- « Parents ? Français ?
- Oui.
- Pays de naissance ?
- En Espagne pour le papa, et en Italie pour la maman.
- Hum, bon !
- Profession des parents ? Heu, paysans. »
Voilà le seul mot qui me vient aux lèvres.
- Paysans oui, mais on dit agriculteurs ou fermiers ou exploitants agricoles, tu sais ?
- Oui, mais moi, je dis qu’ils sont paysans parce qu’ils travaillent la terre, ils élèvent du bétail sur les terres du châtelain. A Marnac, les agriculteurs ou fermiers ont leurs propres fermes. Ils sont patrons.
- Bon, si tu veux. »
J’ai toujours su… Ils travaillaient une des 2 fermes du domaine du château et à la fin de l’année, il fallait faire les comptes avec le Régisseur. Ce jour-là, c’était forcément un jour d’école parce que « la clouquée » était braillarde et que ce jour-là ça ne rigolait pas!
Il fallait donner la moitié (la meitat ) de tout. Ils étaient Métayers. « Meitadier, Megiér » en occitan.
Il y avait un autre jour où les travaux s’effectuaient quand nous étions à l’école : le jour du tuage du cochon ! Lulu était le Tueur patenté ! On nous épargnait le cri du cochon qu’on tue ! On donnait aussi la moitié des cochons au « patron ».
Quand il est parti à la retraite, mon père était le dernier métayer de la Dordogne.
On se tenait informés par la radio et papa était abonné à La Terre.
« La Terre : Journal d’information et de services, La Terre aborde l’essentiel de l’actualité du point de vue de la vie dans les campagnes : entreprises et emploi, agriculture, services publics, santé, retraite, économie, aménagement du territoire et environnement, sécurité alimentaire, commerce mondial… La rubrique « Vos droits » décortique les lois, décrets, arrêtés, règlements qui intéressent la famille, les élus ruraux, les associations. Chaque semaine, des articles proposent des conseils de bricolage, de jardinage, des idées pour la vie quotidienne, la maison, la chasse, la pêche, la cuisine et la gastronomie.
Pluraliste, le journal ouvre ses colonnes à des avis divers. Le « Forum » donne la parole aux lecteurs. La Terre organise des débats ou des tables rondes auxquels participent de nombreuses personnalités (OGM, sécurité alimentaire, réchauffement climatique, etc.).
L'hebdomadaire prend le parti des populations rurales, défend leurs intérêts pour des choix de progrès. Solidaire des luttes pour une agriculture à taille humaine, paysanne et familiale, respectueuse de l’environnement, La Terre s’engage contre les ravages du libéralisme pour une autre mondialisation. »
Mon père était communiste.
J’ai donc 7 ans et je fais ma « première rentrée ». J’ai de la chance parce que c’est une classe unique et j’y retrouve ma sœur ; mon cousin Jean-Marie de 3 mois mon cadet, rentre en même temps que moi. Je me souviens très bien du boulier pour apprendre à compter. Du cahier pour les lignes d’écriture et … le stylo plume et l’encrier et… les tâches d’encre ! A refaire !
Ah la classe unique ! Que de souvenirs… les petits, les moyens, les plus grands qui seront présentés au certificat d’études primaires et les CM2 qui passeront l’examen d’entrée en 6ème. Ces derniers quitteront ce cocon et partiront en pensionnat vers le collège de Belvès.
En 63/64, il y avait 18 élèves de tous les niveaux dans notre école. Ce qui fait que ceux qui n’avaient pas tous les acquis pour leur âge, pouvaient se remettre à niveau l’année d’après. Pas de redoublement et 100/100% de reçus au « certif » ! (Il a été supprimé en 1989).
On chantait la Marseillaise, le Chant du Départ, après que les désignés aient rempli leur obligation d’allumer le grand poêle à bois. En rang, on n’échappait pas au contrôle de la propreté des mains et on allait s’installer à sa place et « En silence ».
Dès qu’un adulte, était autorisé à entrer dans la classe, on se levait en prononçant distinctement « bonjour Madame ou bonjour Monsieur ».
La discipline était stricte, parfois même Trop! Les parents étaient ravis.
Au programme, Instruction morale et civique quotidienne qui sera supprimée en 1969… après les évènements de 68 ??
En pénétrant dans la classe, ces phrases étaient écrites sur le tableau noir (qui en fait était vert).
« La politesse est une clé d’or qui ouvre toutes les portes »
« L’instruction fait l’homme capable. L’éducation fait l’homme honnête. »
C’était les plus grands qui devaient argumenter, les plus jeunes écoutaient.
Souvenirs, souvenirs…
5 fautes en dictée = 0
Les belles cartes sur les murs : géographie : les cours d’eau, les massifs montagneux, les plaines, les plateaux, les bassins, les villes, l’agriculture, l’Europe, le monde et le globe terrestre, etc… Oui, on a voyagé en fixant ces cartes.
Les cartes du corps humain : le squelette, les organes de « l’écorché », la lutte contre l’alcoolisme « l’alcool, voilà l’ennemi »…
Je me souviens que les grands du certif, enfin les garçons du certif, avaient des cours d’agriculture, des rudiments d’enseignement agricole. Il me vient à l’esprit le terme « d’assolement triennal »… Pendant ce temps, les filles apprenaient en silence, la couture, tout en écoutant les explications sur l’élevage laitier, les jachères, les herbes des prairies…
Alors ça, le mot prairie … nous, on disait les prés. On courait dans les prés, on emmenait les vaches au pré mais là on comprenait que pour bien parler le français, il fallait dire « la prairie ». Je me souviens d’avoir employé dans une rédaction, le mot pieu pour dire piquet. J’étais certaine qu’on ne disait piquet que chez nous !
Nous, on allait dans les bois. On a appris la mot forêt en cours de géographie. Cela ne pouvait pas ressembler à nos bois.
Heureusement qu’il y a eu l’école publique, laïque et républicaine !
Mais enfin, aux garçons l’enseignement agricole et aux filles d’appendre à ajourer un drap ! Ecole mixte certes mais chacun à sa place….
Et les photos de classe… on avait tous des pulls, vestes et chaussettes tricotés maison. Les mamans tricotaient en gardant les vaches. Pas une minute à perdre.
Et enfin les grandes vacances…. On restait chez nous bien sûr, on participait aux travaux de la ferme, mais c’était la liberté. Nous étions 12 enfants sur le domaine.
Pas de télé, pas de jeux vidéo, un peu de cinéma et surtout des jeux de plein air : on rejouait tantôt Le Capitan, Fantômas, les cow-boys et les indiens, ces westerns que nous ne connaissions que par les illustrés : Blek le Roc, Miki le Ranger avec Double Rhum et le Docteur Saignée… On refaisait le Tour de France sur l’allée circulaire du château. Un peu plus tard, l’art nous a « attrapés »… on se faisait des séances de peinture à la gouache.
Les goûters étaient composés de grandes et belles tartines de confiture maison. Les mamans donnaient à tous. Tantôt, Sylvia, tantôt Rose, tantôt Marthe. On a englouti des pots de confitures des fruits de la propriété.
Filles et garçons sans distinction, nous étions une seule et même bande.
Une vie de peu, une vie heureuse parce que simple et communautaire qui a fait naître des amitiés profondes et a fait ce que nous sommes aujourd’hui… des grands parents un peu nostalgiques ! Mais ce n'était pas forcément mieux avant! Les souvenirs embellissent le réel.
Si c’était à refaire ? Je ne changerai rien.
Gina
Mes Racines Catalanes
Au nom des miens
Mes Racines Catalanes
« …Se souvenir de son passé, le porter toujours avec soi, c'est peut-être la condition nécessaire pour conserver, comme on dit, l'intégrité de son moi. » Milan Kundera
Je ne veux pas arrêter de me souvenir de mes grands-parents, cela efface le sentiment, sans doute faux, de n’avoir pas su ou de ne pas leur avoir assez dit que je les aimais.
« La mémoire n’a pas de source, elle a des racines. »
Ardit Beqiri
Mon grand-père José, Juan, Jaime Fiol Molas né le 03/08/1889 et ma grand-mère Maria, Rosalia, Norieta Anglada Bosch née le 08/04/1893, sont tout deux originaires de Beget en Catalogne (Espagne). Ils y sont nés et ils s’y sont mariés.
De leur mariage sont nés deux filles et quatre garçons : une fille est décédée à l’âge de 9 mois de la grippe espagnole, ensuite est arrivée Françoise (17 août 1919), Etienne (19 septembre 1921), Valentin (17 novembre 1923), Jacques mon papa (24 mai 1926) et Jean (31 mai 1929).
Beget (aujourd'hui), village de naissance de Josep et Maria Fiol Anglada
On ne nous a pratiquement pas parlé du décès de la première petite fille, c’était sans doute trop douloureux et puis le reste de la fratrie ne l’avait pas connue. Je me souviens, Jacques, mon père y a fait allusion, l’oncle Jean aussi.
La famille Fiol-Anglada, s’est déplacée de ferme en ferme, là où il y avait du travail. Ils sont partis de Beget et en suivant la rivière La Muga, j’ai retrouvé les villages de naissance des 4 premiers enfants : la première petite fille a pu naître à Bassegoda, Francoise à Bassegoda en 1919, Etienne en 1921 et Valentin en 1923 sont tous deux nés à St Llorenç de la Muga, Jaume (Jacques mon papa 1926) à Agullana (près de la Junquera). Ils y sont restés jusqu’en 1929. Un enfant tous les 2 ans et ils repartaient vers une autre ferme. Puis ils ont traversé les Pyrénées, pour Bompas en France où le quatrième garçon, Jean dit « el petit » est né en 1929. C’était le seul Français de la famille !
La misère et le travail les ont poussés à aller toujours de l’avant…
Ils sont arrivés en France au bout de 10 ans, depuis Beget, avec une carriole tirée par une mule et une grande table ovale qui faisait office de pétrin lorsqu’on soulevait le dessus de la table. Ils n’avaient sans doute pas oublié la farine, les graines de semence, de l’huile d’olive, quelques vêtements et une ou deux paillasses pour dormir.
A partir de 1929, ils sont restés quelques années dans le Roussillon (Banyuls dels Aspres) où les garçons les plus jeunes (dont mon père) sont allés à l’école et ont obtenu leurs certificats d’études, ce qui à l’époque représentait un bon diplôme. Ils ont appris le français à l’école. Puis ils ont travaillé comme tâcherons maçons, dans les vignes pour la taille et les vendanges, puis dans les jardins vivriers (l’hort), rapportant leurs petits salaires pour aider la famille à vivre. Puis, les plus grands sont remontés vers le nord et se sont retrouvés en Dordogne, au Foussal à Saint Amand de Belvès, où l’aîné avait trouvé une ferme qui recrutait des ouvriers agricoles. Toute la famille est remontée. Ils y sont restés, s’y sont mariés et ont fait des enfants. C’est à ce moment-là que papa a rencontré maman. Ils se sont mariés en 1949, papa a pris la nationalité française en faisant son service militaire, maman est devenue française en épousant un « Français » ; ma soeur Jacqueline et moi sommes nées, elle en 1950 à la maternité de Belvès et moi en 1952 au Foussal à Saint Amand de Belvès.
Famille Fiol-Anglada au Foussal Saint Amand de Belvès avec 2 amis
J’ai beaucoup d’admiration et de respect pour eux qui ont vécu cette vie de peu, se contentant de ce qu’ils produisaient et troquaient. J’ai toujours entendu dire que certains « patrons » étaient très humains et proposaient un logement décent. Ce n’était pas toujours le cas.
Les famille s’agrandissant, nous avons vécu, mes grands-parents, mes parents, mes deux frères (Jean-Jacques né en 1953 et Robert né en 1956), ma sœur aînée et moi ainsi que le frère de mon père, Jean qui avait épousé Rose et leurs 3 enfants, dans la même ferme de Bétou, le Pélincou à Marnac. Nous étions 13 personnes vivant sous le même toit, dont 7 enfants.
Je me souviens bien de la grande pièce dans laquelle on pénétrait en premier. C’était une grande cuisine avec un grand cantou (grande cheminée) avec un banc de part et d’autre et des chaises basses pour cuisiner, tricoter, se reposer ou passer la veillée. Une cuisinière à bois fonctionnait en permanence (elle avait un réservoir pour faire l'eau chaude) et plus tard une gazinière a été ajoutée. Il y avait une grande table avec des bancs de chaque côté et des chaises en bout de la table : 13 places. Le grand-père s’installait en bout de table, là où il y avait le tiroir pour conserver les tourtes de pain ainsi q’un grand tiroir sur le côté permettant de ranger les couverts. A l’autre bout de la table, un autre tiroir servait à ranger les serviettes de table. Un grand buffet contenait verres, vaisselle et plats. Un grand placard mural recélait l’alimentaire du quotidien. Un éclairage central, avec un abat-jour émaillé et un système qui permettait de régler la hauteur, était la seule source de lumière le soir venu. Le poste radio TSF, était posé sur une étagère «pour être à hauteur d’écoute».
Au plafond, pendaient des jambons, des saucissons, du boudin, du lard, les ventrèches, les derniers stigmates du « tue cochon » ! Il y avait un escalier qui montait au grenier et dessous on y pendait poëles, casseroles et on y rangeait les nombreuses cocottes et marmites. Sur les marches, chacun rangeait ses chaussures. Les « esclops » les sabots et les bottes restaient dehors ainsi que le chien ! De part et d’autre de cette pièce à vivre, il y avait deux chambres de chaque côté (quatre en tout) chauffées l’hiver avec des poêles à bois. On se répartissait par famille et par chambre.
L’évier en pierre n’avait pas l’eau courante ! L’eau courante a été installée dans tout le village de Marnac en 1971 ! Mais il y avait bien de l’eau qui arrivait à la grange. L’installation d’eau courante (privée) du château était réservée au châtelains et aux animaux ! On allait donc chercher l’eau avec des seaux au robinet « des vaches ». L’eau de vaisselle, 100% « eau brûlante » était gardée pour les cochons… en fait ils mangeaient comme nous !
Je vous laisse imaginer la lessive pour une famille de 13 personnes : les draps, les vêtements et tout le reste. Lessiveuse pour faire bouillir le blanc. Savon de Marseille, brosse et huile de coude pour le reste. La seule chose positive et notable était que le lavoir était à 1km et demi de la maison certes mais c’était une source d’eau chaude qui l’alimentait. L’hiver ça fumait mais ce n’est que longtemps après qu’on a fait le lien avec la source de « Caudefond » (littéralement source chaude). Je me rappelle les lessiveuses sur les brouettes ou carrément sur la remorque tirée par le cheval ou le tracteur plus tard.
La toilette s’effectuait dans des grandes bassines ou tubs. Filles et garçons séparés. Le lavage des cheveux pour les filles était « sportif ». Evidemment on avait les cheveux longs. Les casseroles d’eau chauffaient et le dernier rinçage suivait le massage au vinaigre de vin! Nous n’avons jamais eu de poux. L’été, la toilette devenait un amusement. On allait à la Dordogne avec le savon de Marseille et le shampooing Dop !
C’était aussi le règne de la cabane au fond du jardin et des pots d’aisance dont chacun avait la responsabilité !
Mon père et mon oncle s’adressaient à leurs parents en catalan en disant « Vous ». Les grands-parents nous parlaient catalans, on leur répondait en français. Nous comprenions le catalan, aussi je me souviens de quelques conversations, le soir venu quand ils étaient au lit. Avec ma sœur, nous dormions dans la chambre à côté. Ils égrenaient leurs souvenirs de jeunesse, de la famille restée là-bas, les noms de lieux où ils avaient vécu, les noms des vivants, les noms de ceux qui étaient enterrés de l’autre côté des Pyrénées. Je me souviens, ils pleuraient en évoquant les parents décédés et enterrés à Beget. On n’emmène pas ses morts quand on part pour chercher du travail dans un autre pays. Le grand drame dont nous nous souvenons a été le décès de tonton Valentin. Il avait quitté le Foussal (Saint Amand de Belvès), pour s’installer à Villelongue dels Monts (66) pour se marier avec Séraphine qu’il avait rencontrée quand ils étaient dans le Roussillon. Nous étions petits mais voir les grands-parents et nos parents entièrement vêtus de noir, pleurer a été très dur. Notre cousine Josette, la seule fille de Valentin et Séraphine a tout se suite été considérée comme une sœur de plus. Nos liens sont très forts. Chaque voyage en Catalogne permettait et permet toujours de se recueillir et de fleurir la tombe de ce tonton qu’on avait très peu connu. Pépé et Mémé exprimaient leur chagrin chaque fois qu’ils s’y rendaient.
Mes grands-parents Fiol, n’ont pas pu revenir en « Espagne » tant que Franco et le franquisme régnaient sur l’Espagne. Nous, la famille de nationalité française, avons pu y revenir tous les ans, avec nos parents.
On ne savait pas pourquoi mais chaque fois, on tremblait au passage de la douane. On apportait des nouvelles, des cadeaux pour les petits et les grands et on ramenait des nouvelles de cette immense famille et l’air du pays à Pépé et Mémé. Je me souviens, nous ramenions des « nissous » ces petits bonbons ronds et blancs au goût d’anis à Mémé. Elle en raffolait. Plus tard, avec ma sœur aînée, on a accompagné Pépé et Mémé, en train. Nous avons rencontré des frères et sœurs de Pépé et Mémé, les oncles et les tantes, les cousins… de mon père mais on ne savait pas bien si c’était du côté de Mémé ou du côté de Pépé. Tant pis ou tant mieux, c’était notre grande famille catalane.
On a adopté les gourmandises du Roussillon et de Catalogne : les rousquilles blanches comme le sommet du Canigou, le petits bonbons ronds et blancs parfumés à l’anis (les nissous), les nougats noirs ou blancs, le touron (d'huile d'amandes douces - amandes en poudre - du sucre - des jaunes d'œuf - de l’eau - un peu d'huile). Ça collait aux dents, c’était très sucré mais c’était bon !
Comme nous avons vécu ensemble avec nos grands-parents, nous avons pu leur prouver notre attachement et notre amour. Se réfugier sur la falda (les genoux) de Mémé au moindre chagrin… hum… que c’était bon. On embrassait ses belles joues douces, elle sentait bon l’eau de Cologne, on adorait la voir se coiffer et faire son chignon ; ses cheveux à peine gris, lui tombaient jusqu’au fond du dos. Le meilleur pour nous, c’est quand on leur apportait une tisane ou une bûche pour le poêle à bois, quand ils s’étaient « refroidis », comme ils disaient. Mémé souffrait de bronhites chroniques et il fallait souvent lui mettre des cataplasmes ou des ventouses. Dans ce cas-là, Pépé ne quittait pas Mémé. Ces deux-là ils ont vécu une sacrée histoire d’amour.
Marie et Joseph (Maria i Josep)
C’est dans ces moments qu’on a appris l’utilisation et les vertus des plantes « médicinales », les tisanes de thym, « l’aiga bolida » (prononcer aïgo bulido), une soupe à l’ail et à la sauge, Mémé ajoutait 2 branches de thym frais. Aujourd’hui on appelle cela une soupe « détox » ou la soupe « qui refait » après fêtes ! Moi, je continue à faire mon aiga bulida pour le plaisir !
Les brûlures étaient appaisées avec l’intérieur d’une pomme de terre coupée en deux, attachée par un bout de bande. La trousse de premiers secours consistait en des préparations à base de pétales de fleurs de lys blancs séchés et macérés dans de l’alcool pour les blessures ou les panaris et dans de l’huile pour les brûlures. J’en fais encore aujourd’hui et ça fonctionne très bien, d’ailleurs on retrouve des recettes sur Internet. Dans le jardin, il y avait un coin réservé aux lys blancs. On ne les cueillait jamais pour faire des bouquets, c’était une plante utile ! Mémé Maria faisait souvent une tisane de « touffes » de maïs (lo blat d’Inda), qu’on appelle cheveux ou barbes de maïs. On ne savait pas trop à quoi ça lui servait mais aujourd’hui, j’ai découvert que ça se pratique encore : « en tisane, effet diurétique ».
Et les recettes simples et si goûteuses : en premier l’aïoli montée dans le mortier en bois d’olivier. Aïoli c’est de l’ail et de l’huile (ail i oli). La couleur est blanche. Je vais vous dire un secret, si elle est jaune, c’est qu’on l’a rattrapée avec un jaune d’œuf ! Et l’ouillade (l’oullada en catalan qu’on faisait cuire dans l’ouille) : une soupe avec le talon du jambon et tous les légumes de saison) mitonnée dans la marmite en fonte accrochée à la crémaillère ; elle faisait aussi la « pilota ou pelota » sorte de mique mais plus fine et ovale, le ragoût de pommes de terre aux cèpes séchés, les pommes de terre farcies, le riz à la tomate avec des morceaux de lapin, les pommes au four. Il fallait que les quantités soient importantes ! Je pense qu’il fallait bien 2 ou 3 poulets pour un repas ! D’autant que, vous avez dû le remarquer aussi, dans les familles nombreuses, il y a toujours de la place pour les invités de dernière minute! On se tassait sur les bancs et on ajoutait des assiettes.
On élevait 3 ou 4 cochons pour se nourrir toute l’année. Ils étaient tués et transformés sur place. « Tout est bon dans le cochon du groin à la queue ». Il y avait aussi des poules, des poulets, des canards, des dindons, des canards à gaver, des dindes, des lapins, des moutons et des agneaux, des vaches et des veaux. L’arche de Noé ! Le jardin fournissait de quoi faire des conserves de légumes à profusion. On n’achetait pas de légumes. Il y avait les légumes de printemps, d’été et ceux d’hiver. L’été notre production de melons régalaient aussi les voisins. Les melons moyens de goût étaient le dessert des cochons !
Le jardin de Pépé était un modèle d’écologie moderne. Du compost dans un coin du jardin, des petites rigoles au milieu des rangées de légumes qu’il alimentait à l’arrosoir matin et soir. Les racines étaient arrosées avec 2 ou 3 arrosoirs, pas plus.
Et « les quatre heures » ! Merci Mémé ! Du pain perdu pour les grosses journées, une frotte à l’ail, un « pan tourat ou pan i tomata » pain grillé à la cheminée frotté à l’ail et couvert de la pulpe d’une tomate bien mûre et dessus le filet d’huile d’olive « qui va bien », la tartine de grillons, les tartines de confiture de prunes, « le trempil » d’été : un peu de vin léger (de piquette) sucré mélangé à de l’eau dans lequel on met à tremper des morceaux de pain. Quelle merveille !
Nous, les enfants, chacun en fonction de notre âge, participions aux travaux des champs ou partions avec Pépé garder les moutons. Les filles aidaient Mémé. Les mamans étaient aussi aux champs. C’était plus une coopérative familiale que du travail imposé aux enfants. D’ailleurs, on avait conscience d’apporter notre pierre à l’édifice.
Pépé Joseph, devait exercer l’autorité grand-parentale quand nos parents étaient aux champs. Il prenait un air sévère et ça filait doux ! Il avait du caractère… il était très politisé et anticlérical. L’heure des informations au poste de radio était sacrée. La marmaille n’avait plus le droit d’ouvrir la bouche si ce n’est pour manger. Le général de Gaulle était copieusement baptisé et ne parlons pas de Franco… Je me souviens d’une expression de colère du Pépé, « Ostia ou Hostia » qui correspondait bien à son anticléricalisme ! On respectait sa colère ou sa contrariété qui était forcément légitime puisque c’était Pépé! Mémé Marie était croyante mais non démonstrative. Sa vie a été faite de discrétion, de diplomatie, d’attention et d’amour.
Nous avons eu la chance de profiter d’eux au quotidien jusqu’à notre adolescence où les études nous ont conduits ailleurs. Mais les retours, aux vacances, étaient des moments que l’on appréciait et dont on se régalait.
Comme je le disais, ils sont arrivés en France en 1929. Là, ils ont écouté tous les évènements espagnols à la radio… la République, la guerre civile et Franco… Les liaisons étaient difficiles, ils avaient de temps en temps, des nouvelles par la famille qui était restée dans le Roussillon.
Marie et Joseph, papa, maman, oncles et tantes, à jamais dans nos cœurs.
Petite leçon d’histoire : Pour être complète, j’ai voulu donner le contexte politique au-de là des Pyrénées
Le contexte historique espagnol au moment où ils passent la frontière
« Au début des années 30, l’Espagne est une monarchie de 24 millions d’habitants. Deux « Espagne » s’opposent. La première est traditionnelle. Elle s’appuie sur le monde rural (2 millions d’agriculteurs), mais surtout sur le Clergé. Fidèles au message du Pape, la hiérarchie catholique et les prêtres défendent une société basée sur la foi religieuse, la tradition, la discipline et la propriété. La seconde est moderne. Elle s’appuie sur le monde ouvrier et les villes. Elle tire ses racines des luttes révolutionnaires successives, commencées au XIXème siècle par les nationalistes insurgés contre l’envahisseur Napoléon. Elle défend la libre pensée et le choix individuel, mais aussi la collectivisation agraire en matière économique. »
La République est proclamée à Barcelone, de même que dans les grandes villes d’Espagne, du fait que les Républicains alliés aux socialistes ont gagné ces élections. Le roi Alphonse XIII quitte le pays. Un gouvernement régional autonome, La Generalitat de Catalunya, est constitué. Il est chargé d’élaborer un statut d’autonomie qui devra être approuvé par le peuple catalan puis par les Certes, le Parlement siégeant à Madrid. Le statut est adopté en 1932. En février 1936, Le Front Populaire, El Frente Popular, gagne les élections législatives. Le “Soulèvement National” décide de mettre fin aux tentatives “révolutionnaires”, la Guerre Civile débute le 18 juillet 1936 et ne s’achèvera que le 29 mars 1939….
Le contexte catalan :
En 1814, l’Espagne recouvre son indépendance et Ferdinand VII règne en monarque absolu. La province se modernise au rythme de la Révolution industrielle, notamment dans la deuxième moitié du siècle, comme le reste de l’Europe du Nord-Ouest. La bourgeoisie urbaine s’oppose alors à la société paysanne traditionnelle et surtout, il naît un mouvement ouvrier qui, pendant longtemps dans une Espagne déchirée par les conflits de succession au trône, se limitera au pays catalan. Dès le début du XXème siècle, La Lliga Regionalista entend arriver à l’autodétermination de la Catalogne. La région est agitée du fait du mouvement catalaniste et de celui du mécontentement des masses populaires urbaines qui veulent améliorer leurs conditions de vie particulièrement misérables à l’époque. En 1931, un nouveau Parti, La Esquerra Republicana de Catalunya, remporte les élections municipales.
Comment Franco est arrivé au pouvoir
« Le 19 avril 1937 est la date exacte de naissance de l'État franquiste. Ce jour-là, la Phalange, révolutionnaire et antimonarchiste, est liée à la Comunión Tradicionalista carliste monarchiste et absolutiste, c'est-à-dire à l'exact opposé dans le spectre des mouvements de droite, pour former le parti unitaire Falange Española Tradicionalista y de las JONS. Cette union originale d'un mouvement révolutionnaire avec un réactionnaire arrive sous l'action du beau-frère de Franco, Ramón Serrano Súñer, qui lui-même n'appartient ni à la Phalange, ni aux carlistes, mais à la CEDA. Serrano a proposé l'union à Franco, car d'après lui, aucune des fractions participant à la coalition ne correspond aux « nécessités du moment ». Lui-même devient, sur le souhait de Franco, le premier secrétaire général du nouveau parti et s'occupe d'en coordonner les diverses parties. Il n'y arrive cependant pas complètement, parce que certains des phalangistes ne veulent pas suivre le nouveau cap. Néanmoins, les organisations précédemment indépendantes laissent l'union se constituer, parce que Franco leur met en perspective une participation au pouvoir après la fin de la guerre civile.
« Le mépris olympien que ressentait Franco pour les Espagnols, pour ses amis et ses ennemis, s'est exprimé dès le début dans la conception de l'État à la tête duquel il se désigna. Soutenu par un conglomérat confus de fascistes qui se nomment « phalangistes » (c.à.d. républicains et syndicalistes), « traditionalistes » (carlistes enracinés dans la religion) et Juntas de ofensiva nacional sindicalista (nazis sauce à l'ail), il pétrit tout ce monde comme une pâte à pain, l'âme en paix, pour faire une Falange Española Tradicionalista y de las JONS. Peut-on imaginer une plus grande vexation infligée à ces trois groupes aux idéologies fondamentalement différentes ? Mais ils l'ont écouté sans frémir, puis enthousiasmés, parce qu'il s'agissait pour eux de rien moins qu'un pouvoir politique, à usage exclusif et monopoliste. » Madariaga 1979
« Tandis que la gauche se retrouve divisée sur presque toutes les questions importantes, la droite se retrouve de plus en plus resserrée ».
Mes oncles n’ont pas hésité, ils se sont engagés dans la Résistance française.
Comment oublier ce que vous avez vécu ? La mémoire est notre force.
« L’Histoire se répète, car personne n’écoutait la première fois. »
Anonyme
Gina
Mes racines italiennes
AU NOM DES MIENS
Mes racines italiennes
Cuisiner c’est aimer… et avoir des racines
« …Se souvenir de son passé, le porter toujours avec soi, c'est peut-être la condition nécessaire pour conserver, comme on dit, l'intégrité de son moi. » Milan Kundera
Je ne peux pas arrêter de me souvenir de mes grands-parents, cela atténue le sentiment de n’avoir pas su ou de ne pas leur avoir assez dit que je les aimais.
« La mémoire n’a pas de source, elle a des racines. » Ardit Beqiri
Mes grands-parents maternels sont italiens : Giovani Rilievo est né le 13/10/1893 et Guglielma Pellizari le 06/12/1892. Tous deux sont nés et se sont mariés à Brogliano, commune italienne de la province de Vicence dans la région de Vénétie.
Brogliano est le sommet d’un triangle Vérone-Brogliano-Padoue. Venise est à 95 kms vers l’est et le Lac De Garde à 90 kms vers l’ouest.
Silvia, ma maman (née le 09 avril 1928) est la 5 ème et seule fille d’une fratrie de 6 enfants. Joseph (1920), Gélindo (1921), Angelo (1924), Silvio (1926), Silvia (1928), Gino (1929).
Elle a 4-5 ans quand son père doit quitter, seul, l’Italie pour la France. Ses opinions politiques étaient contraires à celles qui se développaient sur le territoire italien ! Il rejoindra les quelques 800.000 Italiens déjà réfugiés. Giovani fera venir ses 4 garçons aînés en France. Ils m’ont raconté les trains de marchandises ou à bestiaux, le baluchon, du pain, de l’eau et la feuille sur laquelle était inscrite leur destination : Le Got, Dordogne, France. Le « vieux monsieur barbu» qui les attend sur le quai de la gare du Got est leur père… Ils ne le reconnaissent pas. Ils seront tous ouvriers agricoles. On ne peut pas imaginer leurs conditions de travail et de vie (dormir dans le foin dans la grange, pas de sanitaires, ne pas manger à la table des « patrons »… et travailler.) « Porca miseria !» (La traduction de ce juron peut être un gros mot mais on imagine ici la misère du monde tombée sur leurs épaules.)
5 frères et une soeur mariés
Mémé Guglielma, très pieuse, restera seule avec Sylvia (ma mère) et le petit dernier, Gino, né le 09 novembre 1929. Finalement ils rejoindront la famille en France, en 1932-1933. Ils auront eu bien eu assez de temps pour subir la montée et prise de pouvoir fasciste.
Les trains, le baluchon, etc…. Les deux petits derniers devront refaire connaissance avec leur père et leurs grands frères. Maman me disait qu’elle avait eu peur de ce monsieur mal rasé et inconnu qu’il fallait appeler papa.
Maman n’a jamais voulu revenir en Italie, même pour voir la famille restée là-bas. Ses souvenirs tellement « noirs » et la violence exercée sur sa mère, qui travaillait à l’hôpital de Venise, ont rompu à jamais l’amour de sa terre natale. (Sa mère avait été traînée au sol, tirée par les cheveux par les chemises noires ; ils lui ont ensuite arraché ses boucles d’oreilles.) Plus jamais ça !
Je me souviens de la venue d’un oncle et d’une tante qui était la marraine de maman. C’était la fête. Ils avaient « les moyens », ils avaient un appareil photo ! Je revois la photo. Et puis, plus rien. On apprenait par le courrier le décès d’un parent. Il était déjà enterré quand la lettre arrivait.
Mémé Guglielma avait l’habitude de dire « Dio santo » en se signant. Elle invoquait la protection divine… Ça a peut-être marché dans toute cette vie chamboulée… La première question qu’elle nous posait quand nous allions la voir, c’était « êtes-vous allés à la messe dimanche ? » Cette question n’attendait aucune dénégation. Un oui franc et massif la rassurait immédiatement. Papa la faisait rire, je pense qu’il avait trouvé là, « une diplomatie payante ». Elle avait la peau douce mais ne se laissait pas aller aux câlins. Maman m'a dit qu'elle avait toujours été réservée dans ses marques d'affection. On l'aimait beaucoup quand même.
Pépé Giovani était assez renfermé. Il parlait peu. Je crois que c’est Mémé qui tenait les rênes !!! Il ne nous a jamais raconté ce qu’il a vécu. Il avait une énorme moustache, jaunie par le tabac à chiquer. Il faisait pousser ses pieds de tabac, bien cachés dans le jardin. Un jour, il a été dénoncé parce que c’était formellement interdit. Les gendarmes sont venus arracher les pieds de tabac… je pense qu’il a dû en replanter quand même, entre les pieds de maïs. J’ai eu la chance de le connaître jusqu’à mes 16 ans. J’ai été éperdue de chagrin, c’était le premier décès d’un grand-parent. Je les croyais éternels ! De même à la disparition de mon oncle Silvio, toute la famille a été bouleversée. Mourir à 39 ans. Inacceptable.
De Mémé Guglielma, j'ai gardé le goût du "fait main" : des pâtes de toutes formes, de son minestrone incroyablement parfumé et des charcuteries extraordinaires. C'est Pépé Giovani qui faisait toutes ces merveilles de "cochonailles" : jambon, saucisses, saucissons, la pancetta, le lard parfumé, la coppa, etc...
Comment voulez-vous qu'après ça, on accepte la charcuterie industrielle même si elle se donne des noms à consonnance italienne!
La rencontre entre Silvia l’italienne, ma maman, et Jacques (Jaume) le Catalan, mon papa.
Papa est né en Catalogne en 1926 (en Espagne officiellement). Réfugié aussi en France, avec ses parents, ils se sont rencontrés dans la région de Belvès. Il habitait avec ses parents, frères et sœur au Foussal, à Saint Amand de Belvès. Il a été naturalisé Français, en accomplissant son service militaire en 1949-1950. Avec maman, ils se sont mariés le 11 juin 1949. L’Italienne issue d’une famille catholique est devenue Française en épousant un Catalan communiste naturalisé Français ! La consanguinité, connais pas ! Jacqueline, ma sœur aînée est née en mai 1950, pendant le service militaire. Maman a été accueillie dans une famille qui parlait français bien sûr mais ses beaux-parents ne s’exprimaient qu’en catalan ! Moi, je suis née, toujours au Foussal, en 1952.
Cette même année, la famille est venue s’installer à Marnac où mes deux frères, Jean-Jacques et Robert ont complété la fratrie. Quand je dis la famille, je veux dire les grands-parents catalans Fiol, mon père et ma mère et nous, les 2 filles et le frère Jean, son épouse et un fils. En 1956, nous étions treize dans cette ferme.
Mes oncles italiens CHANTAIENT, oui ils chantaient du Bel canto, des chants traditionnels, aux mariages, aux communions, aux fêtes de famille. «O sole mio », "Come prima" mais aussi des chants religieux car ils étaient invités à tous les mariages de la famille bien sûr mais au-delà, pour les messes de Pâques, de Noël, etc.. Un Ave Maria à trois voix, à vous faire pleurer d'émotion. Nous avons eu ma soeur et moi, la chance qu'ils chantent à notre mariage. Oui, on s'est mariées le même jour et au même endroit (Marnac)... avec deux hommes différents, il y a 50 ans!
Et là , on sentait toute l’émotion des racines qui s’exprimaient par la langue et le chant. L'Italie leur sortait de la gorge.
Et pour terminer le « tour de chant », quand Gino, le petit dernier entonnait « La più bella del mondo", traduction : « Maman, tu es la plus belle du monde » en regardant sa mère (notre grand-mère) droit dans les yeux, on pleurait tous.
Pour ma famille, mes enfants et petits-enfants, j’écris ces souvenirs encore bien vivants, afin que l’oubli ne recouvre jamais nos racines.
L’histoire des miens dans la grande Histoire
Rappel historique : Benito Mussoloini (1883 – 1945), prend le pouvoir en 1922 et la dictature se terminera le 25 juillet 1943. »
« Les éléments suivants ont été puisés sur Internet et Wikipédia. Il me semble important de rappeler ici le contexte historique pour comprendre ce que ma famille a vécu.)
Le contexte historique pour savoir ce qu’ils ont vécu
« Les conséquences de la Grande Guerreengendrent une crise de l'immédiat après-guerre en Italie, ce qui crée des conditions favorables à la naissance du fascisme. En effet, même si l'Italie fait partie des vainqueurs de la guerre, elle se considère comme une vaincue de la paix. Ce sentiment se retrouve chez les petits paysans, soumis au pouvoir écrasant des propriétaires de latifundias, qui espéraient obtenir de nouvelles terres. Par conséquent, ce thème de la victoire mutilée est largement exploité par les mouvements nationalistes italiens, en plein essor à la fin de la guerre.
Dans ce contexte de crise économique et sociale, les masses commencent à s'agiter dès 1919. Ces protestations se sont inspirées du modèle de la Révolution bolchevique de 1917 en Russie. Ainsi l'agitation « sauvage » des masses se transforme en actes révolutionnaires dès 1920, année pendant laquelle les mouvements protestataires ouvriers et paysans sont à leur apogée. Cette période de l'Italie est connue sous le nom de « biennio rosso » (littéralement « les deux années rouges »). Mon grand-père Giovani avait 27 ans.
Issu des rangs de l'extrême gauche, Benito Mussolini est dans sa jeunesse anticlérical. En 1919, il se pose en faveur de la svaticanizzazione, c'est-à-dire de la séparation totale de l'Église et de l'État, avec une confiscation complète du patrimoine ecclésiastique. » !!!
Les chemises noires sont restées à jamais le cauchemar de maman
« Les chemises noires (en italien : camicie nere ou squadristi) sont les adhérents à la milice du régime fasciste de Benito Mussolini, organisés depuis le 23 mars 1919 en Faisceaux italiens de combat (Fasci Italiani di Combattimento) (allusion au symbole d'autorité des consuls dans la Rome antique). Mémé Guglielema avait 27 ans.
Ces groupes étaient principalement constitués d'anciens soldats démobilisés, d’ouvriers, de paysans, d’aristocrates, de chômeurs, et de jeunes bourgeois. Ce sont eux qui ont permis l'accession de Mussolini au pouvoir, lors de la Marche sur Rome.
En 1922, lorsque le Duce prend le pouvoir, on dénombrait 700 000 chemises noires, regroupées alors dans le Parti national fasciste.
Les chemises noires employaient des méthodes expéditives (coups de bâtons, incendies…) et faisaient boire de l'huile de ricin aux protestataires. Les chemises noires sont comparables aux SA nazis (chemises brunes). Elles marchent sur la capitale le 28 octobre, menant des actions violentes contre les communistes et les socialistes. Le 30 octobre 1922 , après la marche sur Rome, le roi charge Benito Mussolini de former le nouveau gouvernement. Le chef du fascisme quitte Milan pour devenir Premier ministre à Rome. »
Le fascisme, pourquoi et comment ?
« Le mouvement fasciste s'impose progressivement sur la scène politique face à un État libéral instable et en crise : de 1919 à 1922 quatre gouvernements libéraux se succèdent et aucun ne parvient à faire reculer la force fasciste émergente. L'État libéral (PS et PCI) se délite complètement. Les fascistes seront appeler pour calmer la situation révolutionnaire de l'époque. De plus, Mussolini sait manipuler ce gouvernement libéral affaibli : « tantôt le bâton, tantôt la carotte ». Il fusionne les squadristi et les 320 000 adhérents du PNF (Parti National Fasciste). Son parti s’élargit.
En février 1922, l'État libéral italien ne contrôle plus rien. Le Parti socialiste italien (PSI) a vu ses membres se réduire de moitié après la fondation du Parti communiste italien (PCI) en janvier 1921 lors du Congrès de Livourne : cette scission entre communistes et socialistes affaiblit ces 2 partis. Ces forces politiques, composant l'État libéral, n'ont pas réussi à s'unir en temps voulu pour repousser l'avancée fasciste.
Les erreurs politiques des gouvernements libéraux (PCI-PSI) qui se sont succédé à l'époque, ont permis à Mussolini et ses fasci de se présenter comme l'unique force politique réelle du pays. Ces gouvernements ont laissé les fascistes rétablir l'ordre dans le pays, de même que le roi Victor-Emmanuel III qui est plutôt satisfait de voir quelqu'un régler la situation. La monarchie tout autant que le gouvernement libéral sont marqués tous deux par leur passivité et leur faible résistance face à la montée du fascisme. Par ailleurs, l'État libéral fait aussi l'erreur de vouloir intégrer le fascisme dans le jeu parlementaire, dans le but, finalement voué à l'échec, d'assagir le mouvement. Ainsi, le PSI et la CGL (= Confédération Générale du travail) signent avec Mussolini, le « pacte de pacification » en août 1921, le but étant pour Mussolini de s'appuyer sur des forces politiques pour se faire entendre sur la scène politique et pour les socialistes de maîtriser le mouvement fasciste en essor. Cependant ce pacte n'est pas respecté. Le contrôle du fascisme n'est donc pas possible et les forces du gouvernement, affaiblies, désorganisées, désunies ont trop de difficultés à résister contre le fascisme. »
Accélération du mouvement fasciste (automne 1922)
« L’arrivée au pouvoir de Mussolini ne fait alors plus de doute pour personne, mais la question est de savoir si ce sera par la force ou par la voie légale. À l’automne, le mouvement s’accélère. Le 4 octobre, Mussolini prononce un discours à Milan. Il semble inviter à une prise du pouvoir par la force, mais en même temps, il propose au gouvernement de provoquer des élections. Ainsi, même devant l’accumulation de preuves d’une marche sur Rome en préparation, Mussolini continue d’offrir deux routes possibles. L’historien Max Gallo explique qu’« en gardant l’apparence d’une alternative, Mussolini paralyse ce qui peut rester de résistance dans l’État en même temps qu’il appâte tous les représentants politiques italiens… et jusqu’à Facta. Car les conversations se multiplient en ces premiers jours d’octobre. Chacun espère s’adjoindre Mussolini pour un grand ministère ».
La politique du président du Conseil est qualifiée par l’historien Robert Paris de « faillite ou complicité ». Sous prétexte de neutralité, celui-ci ne prend pas de mesures contre cette montée du fascisme. Pour Mussolini l’idée de marche sur Rome se concrétise. »
La suite nous la connaissons.
« L’Histoire se répète, car personne n’écoutait la première fois. »
Anonyme
Je rends ici hommage à mes oncles qui se sont engagés très tôt dans la Résistance française, à mes grands-parents qui donnaient de la nourriture et planquaient des armes. Ils ont tous participé à la libération du pays qui les avait accueillis.
Aux miens.
Le troc Blé contre Farine et Pain
Le troc blé contre farine et pain
Un usage très règlementé
Mes grands-parents catalans, mes parents et la famille de mon oncle Jeannot étaient métayers au château de Bétou. Nous habitions tous ensemble (6 adultes et 7 enfants). Vous comprenez que la cuisine et la confection des repas occupaient une grande partie de la journée des femmes!
On produisait tout : le blé, le maïs, les raves et les betteraves pour nourrir le bétail, les légumes pour nous et on élevait des poules, canards, dindons, lapins, moutons, vaches et cochons,… Et on cultivait un immense potager avec des légumes toute l'année.
La culture du tabac était la garantie d'un apport financier pour l'année. Si l'année et la vente avaient été bonnes, les pères ramenaient de la viande de boucherie! C'était signe que nous ne manquerions de rien d'essentiel.
Jusque dans les années 60, on troquait avec le meunier et le boulanger, une quantité de blé, contre la farine puis contre le pain. A chaque pain livré correspondait une entaille dans une règle en bois. Si nous n'étions pas là quand le boulanger passait, il posait le pain et on régularisait la semaine d'après. C’était bien calculé, le blé fourni nous assurait du pain pour l’année. (Mais on gardait toujours la bonne quantité de semence pour l'année suivante. C'était en l'an AM : Avant Monsento).
Et c’est là qu’intervient mon Massepain ! Car à ces deux occasions, Pâques et la fête du village, on donnait 2 ou 3 douzaines d’œufs au boulanger pour qu’il nous confectionne avec la farine qu'il avait, les fameux gâteaux. Des gâteaux épais et généreux, très légers et avec un goût inimitable. La croûte blanchie du dessus était croquante et l’intérieur était très souple ! Tiens, je ressens encore l’odeur de ce gâteau.
Salade d'oignon doux de Pépé Josep
AU NOM DES MIENS
La salade d'oignon de Pépé Josep
Je vous ai déjà raconté l'aventure de mes grands-parents Catalans arrivés en France avec 4 enfants, plus un à naître et en tout et pour tout une carriole, une table/pétrin, de la farine, un matelas, la réserve d'huile d'olive et des graines de semence. Je suis toujours très émue quand j'y pense et quand j'en parle.
Quand ils se sont installés ouvriers agricoles dans une grosse ferme en Pays Belvésois, le dernier enfant était né (en France). Ils ont semé leurs graines de semence et en bons professionnels (plantation, arrosage), ils ont réussi des récoltes formidables. Une sorte de Terre Promise à cultiver du matin au soir... pour nourrir aussi les propriétaires.
On n'achetait rien, on vivait de ce qu'on produisait.
Les gros oignons doux ou Cèbes en catalan étaient servis à tous les repas, casse-croûte du matin compris !
D'aussi loin que je souviens, Pépé Josep nous faisait des salades de cèbes. C'était toute une aventure pour nos yeux d'enfants. Il coupait à gros morceaux les oignons doux et les enveloppait dans un torchon propre, il en faisait une grosse "aumonière" qu'il tapait sur la pierre de l'évier. Le jus de l'oignon s'écoulait à l'intérieur et quand enfin il ouvrait le baluchon, une écrasée d'oignon apparaissait, parfumée et douce au goût.
Il n'y avait plus qu'à assaisonner, sel, poivre, huile d'olive et un filet de vinaigre de vin maison. C'était la base ! Avec une omelette, une tranche de ventrèche grillée et du pain, la journée pouvait commencer.
Merci Pépé Josep