Mes parents étaient des Paysans
Mes parents étaient des Paysans et des enfants de Paysans
J’ai 7 ans, je rentre au Cours préparatoire à l’école de Marnac.
- « Parents ? Français ?
- Oui.
- Pays de naissance ?
- En Espagne pour le papa, et en Italie pour la maman.
- Hum, bon !
- Profession des parents ? Heu, paysans. »
Voilà le seul mot qui me vient aux lèvres.
- Paysans oui, mais on dit agriculteurs ou fermiers ou exploitants agricoles, tu sais ?
- Oui, mais moi, je dis qu’ils sont paysans parce qu’ils travaillent la terre, ils élèvent du bétail sur les terres du châtelain. A Marnac, les agriculteurs ou fermiers ont leurs propres fermes. Ils sont patrons.
- Bon, si tu veux. »
J’ai toujours su… Ils travaillaient une des 2 fermes du domaine du château et à la fin de l’année, il fallait faire les comptes avec le Régisseur. Ce jour-là, c’était forcément un jour d’école parce que « la clouquée » était braillarde et que ce jour-là ça ne rigolait pas!
Il fallait donner la moitié (la meitat ) de tout. Ils étaient Métayers. « Meitadier, Megiér » en occitan.
Il y avait un autre jour où les travaux s’effectuaient quand nous étions à l’école : le jour du tuage du cochon ! Lulu était le Tueur patenté ! On nous épargnait le cri du cochon qu’on tue ! On donnait aussi la moitié des cochons au « patron ».
Quand il est parti à la retraite, mon père était le dernier métayer de la Dordogne.
On se tenait informés par la radio et papa était abonné à La Terre.
« La Terre : Journal d’information et de services, La Terre aborde l’essentiel de l’actualité du point de vue de la vie dans les campagnes : entreprises et emploi, agriculture, services publics, santé, retraite, économie, aménagement du territoire et environnement, sécurité alimentaire, commerce mondial… La rubrique « Vos droits » décortique les lois, décrets, arrêtés, règlements qui intéressent la famille, les élus ruraux, les associations. Chaque semaine, des articles proposent des conseils de bricolage, de jardinage, des idées pour la vie quotidienne, la maison, la chasse, la pêche, la cuisine et la gastronomie.
Pluraliste, le journal ouvre ses colonnes à des avis divers. Le « Forum » donne la parole aux lecteurs. La Terre organise des débats ou des tables rondes auxquels participent de nombreuses personnalités (OGM, sécurité alimentaire, réchauffement climatique, etc.).
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Mon père était communiste.
J’ai donc 7 ans et je fais ma « première rentrée ». J’ai de la chance parce que c’est une classe unique et j’y retrouve ma sœur ; mon cousin Jean-Marie de 3 mois mon cadet, rentre en même temps que moi. Je me souviens très bien du boulier pour apprendre à compter. Du cahier pour les lignes d’écriture et … le stylo plume et l’encrier et… les tâches d’encre ! A refaire !
Ah la classe unique ! Que de souvenirs… les petits, les moyens, les plus grands qui seront présentés au certificat d’études primaires et les CM2 qui passeront l’examen d’entrée en 6ème. Ces derniers quitteront ce cocon et partiront en pensionnat vers le collège de Belvès.
En 63/64, il y avait 18 élèves de tous les niveaux dans notre école. Ce qui fait que ceux qui n’avaient pas tous les acquis pour leur âge, pouvaient se remettre à niveau l’année d’après. Pas de redoublement et 100/100% de reçus au « certif » ! (Il a été supprimé en 1989).
On chantait la Marseillaise, le Chant du Départ, après que les désignés aient rempli leur obligation d’allumer le grand poêle à bois. En rang, on n’échappait pas au contrôle de la propreté des mains et on allait s’installer à sa place et « En silence ».
Dès qu’un adulte, était autorisé à entrer dans la classe, on se levait en prononçant distinctement « bonjour Madame ou bonjour Monsieur ».
La discipline était stricte, parfois même Trop! Les parents étaient ravis.
Au programme, Instruction morale et civique quotidienne qui sera supprimée en 1969… après les évènements de 68 ??
En pénétrant dans la classe, ces phrases étaient écrites sur le tableau noir (qui en fait était vert).
« La politesse est une clé d’or qui ouvre toutes les portes »
« L’instruction fait l’homme capable. L’éducation fait l’homme honnête. »
C’était les plus grands qui devaient argumenter, les plus jeunes écoutaient.
Souvenirs, souvenirs…
5 fautes en dictée = 0
Les belles cartes sur les murs : géographie : les cours d’eau, les massifs montagneux, les plaines, les plateaux, les bassins, les villes, l’agriculture, l’Europe, le monde et le globe terrestre, etc… Oui, on a voyagé en fixant ces cartes.
Les cartes du corps humain : le squelette, les organes de « l’écorché », la lutte contre l’alcoolisme « l’alcool, voilà l’ennemi »…
Je me souviens que les grands du certif, enfin les garçons du certif, avaient des cours d’agriculture, des rudiments d’enseignement agricole. Il me vient à l’esprit le terme « d’assolement triennal »… Pendant ce temps, les filles apprenaient en silence, la couture, tout en écoutant les explications sur l’élevage laitier, les jachères, les herbes des prairies…
Alors ça, le mot prairie … nous, on disait les prés. On courait dans les prés, on emmenait les vaches au pré mais là on comprenait que pour bien parler le français, il fallait dire « la prairie ». Je me souviens d’avoir employé dans une rédaction, le mot pieu pour dire piquet. J’étais certaine qu’on ne disait piquet que chez nous !
Nous, on allait dans les bois. On a appris la mot forêt en cours de géographie. Cela ne pouvait pas ressembler à nos bois.
Heureusement qu’il y a eu l’école publique, laïque et républicaine !
Mais enfin, aux garçons l’enseignement agricole et aux filles d’appendre à ajourer un drap ! Ecole mixte certes mais chacun à sa place….
Et les photos de classe… on avait tous des pulls, vestes et chaussettes tricotés maison. Les mamans tricotaient en gardant les vaches. Pas une minute à perdre.
Et enfin les grandes vacances…. On restait chez nous bien sûr, on participait aux travaux de la ferme, mais c’était la liberté. Nous étions 12 enfants sur le domaine.
Pas de télé, pas de jeux vidéo, un peu de cinéma et surtout des jeux de plein air : on rejouait tantôt Le Capitan, Fantômas, les cow-boys et les indiens, ces westerns que nous ne connaissions que par les illustrés : Blek le Roc, Miki le Ranger avec Double Rhum et le Docteur Saignée… On refaisait le Tour de France sur l’allée circulaire du château. Un peu plus tard, l’art nous a « attrapés »… on se faisait des séances de peinture à la gouache.
Les goûters étaient composés de grandes et belles tartines de confiture maison. Les mamans donnaient à tous. Tantôt, Sylvia, tantôt Rose, tantôt Marthe. On a englouti des pots de confitures des fruits de la propriété.
Filles et garçons sans distinction, nous étions une seule et même bande.
Une vie de peu, une vie heureuse parce que simple et communautaire qui a fait naître des amitiés profondes et a fait ce que nous sommes aujourd’hui… des grands parents un peu nostalgiques ! Mais ce n'était pas forcément mieux avant! Les souvenirs embellissent le réel.
Si c’était à refaire ? Je ne changerai rien.
Gina